Directive sur les travailleurs indépendants des plateformes
La France bloque le texte

La France a tranché. Le nouvel accord signé entre le Parlement européen et le Conseil de l'UE sur la directive relative aux plateformes comme Uber et Deliveroo a été rejeté par la France le 16 février. Mais selon les experts et les syndicats suivant le sujet de près, elle n’était de toute façon pas suffisante.

Il s’en est fallu de peu. Alors que la majorité des pays ont tranché favorablement, la France et l’Allemagne ont bloqué la directive. La première a voté contre le nouvel accord, la deuxième s’est abstenue. Le texte final, présenté initialement par la présidence belge avait pourtant donné un aperçu solide de la nouvelle directive. Des changements importants étaient à relever, dont le plus notoire concerne la suppression des indicateurs permettant de déterminer le statut d'emploi des travailleurs des plateformes. 

À la place, les États membres sont maintenant dans l’obligation d'établir une présomption légale réfutable d'emploi.

En d'autres termes, cette directive établissait un cadre sur la manière dont le statut d'emploi doit être décidé, sans préciser son contenu. L'intention de la Commission européenne d'harmoniser les normes du travail dans l'économie de plateforme ne sera donc pas réellement satisfaite.

Des éléments de la directive adoptés par les pays membres


Même si la France et l’Allemagne ont bloqué le texte une nouvelle fois, les pays ayant voté en sa faveur peuvent quand même appliquer certaines réformes dans leurs textes de loi. Tout d'abord, le nouvel accord prévoit un renversement de la charge de la preuve. Cela signifie que dans les 27 États membres, ce sera à la plateforme de prouver devant les tribunaux que ses travailleurs ne sont pas des employés, si une inspection du travail estime le contraire. 


Deuxièmement, le texte relatif à la gestion algorithmique reste intact, garantissant aux travailleurs et aux syndicats le droit de savoir comment sont prises les décisions liées à leur travail. Ils auront également le droit de savoir quels systèmes automatisés sont utilisés et quelles informations sont collectées à leur sujet. A noter cependant que cela donne un champ d’action assez large aux États membres qui peuvent déterminer à quoi ressemble la présomption d'emploi. Cela pourrait entraîner des litiges juridiques en continu.


Le PDG d’Uber fait des aveux qui ne passent pas

Le PDG d'Uber Dara Khosrowshahi, a lancé un pavé dans la marre en admettant que l'entreprise modifiait la rémunération de ses chauffeurs en fonction de leurs "schémas comportementaux".  Le géant de l'économie agissait en collectant des données sur les chauffeurs et les utilisait pour décider de leur rémunération. Une politique vivement critiquée de par sa nature opaque et son potentiel de réduction des salaires. Cette dernière qualifiée par conséquent de "discrimination salariale algorithmique" par les syndicats et les économistes. Une discrimination qui est au coeur du mécontentement croissant des chauffeurs et des utilisateurs d'Uber à l'échelle mondiale.

Face à cet aveu de faiblesse, Dara Khosrowshahi a fait volte face en expliquant ses intentions lors d’une conférence de presse le 7 février. Il a répondu : "Je pense que ce que nous pouvons faire de mieux, c'est cibler différents trajets pour différents chauffeurs en fonction de leurs préférences ou des modèles de comportement qu'ils nous montrent.” Et d’ajouter: “ C'est vraiment notre objectif pour l'avenir : proposer le bon trajet, au bon prix, au bon conducteur". Mais cette proposition tombe au moment où l’entreprise a annoncé quelques jours plus tôt qu’elle avait perçu son tout premier bénéfice annuel de 1,1 milliard de dollars. Une révélation d’Uber qui a déclenché la colère des livreurs et chauffeurs, entraînant des grèves à répétition partout dans le monde. 

À la lumière de l'aveu de M. Khosrowshahi, c’est Veena Dubal, professeur de droit à l'université de Californie et spécialiste de l'économie parallèle, qui a tiré la sonnette d’alarme : “'il est temps que les régulateurs prennent conscience des dangers de la politique salariale de l'entreprise Uber” a-t-il déclaré. “La personnalisation des tarifs - à l'aide de données extraites du travail des employés - est un véritable cauchemar", a-t-il encore ajouté.

Que retenir de cette directive ?


Bien que cet accord constitue une avancée notoire dans la régulation des plates-formes de travail en Europe, il soulève également des questions sur l'efficacité et l'équité des réglementations proposées. Le combat pour des droits du travail justes et équitables pour les travailleurs des plates-formes est loin d'être terminé, et il est crucial que les gouvernements et les régulateurs continuent de travailler à des solutions qui protègent les droits et la dignité des travailleurs.

Crédit photo : Pixabay

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